Le caillou dans ta poche

Rugueux,
rugueux est cette pierre que tu tiens dans ta main.
Pas comme cette sphère parfaitement ronde, comme du marbre qui est doux.
Tu as ce petit caillou dans la main qui te frotte la pulpe des doigts. Tu adores l’avoir dans ta poche, il est agréable.
Non, il n’est pas doux, mais il est agréable.

Il y a quelque chose qui te plaît, il y a quelque chose qui t’attire. Parce que justement, il n’est pas tout lisse, non, il est rugueux.

Il a un vrai relief, un relief que tu découvres et que tu redécouvres avec tes doigts. C’est agréable de le palper, de le toucher, retrouver les aspérités, de faire le tour, de le retourner et de recommencer.

In fine, tu ne te baladerais jamais avec une sphère parfaitement ronde dans ta poche. C’est ennuyeux, les petites perles qui… qui ne donnent pas matière à s’agripper, qui sont trop lisses, qui sont sans relief, justement.
Et c’est ce relief qui rend intéressant la pierre dans ta poche.
Cette pierre dans la poche, évidemment c’est comme toi. – Si tout était parfaitement lisse, Personne ne s’intéresserait à toi – même pas toi d’ailleurs.

Non, il y a des aspérités, il y a des hauts et des bas, il y a des endroits où ça gratter, il y a des profondeurs.

Tout ça : ça fait toi, qui tu es et qui te rend intéressant,
pour les autres, mais surtout, surtout pour toi-même.
De découvrir de quoi est faite cette vulnérabilité, cette profondeur que tu n’arrives pas à voir, que tu n’arrives à peine à sentir. Tu sais que ça va encore plus loin, mais tu ne peux pas encore y aller.

Comme dans la nature où pendant des centaines et des milliers d’années, l’eau creuse un chemin dans la roche. Tu continues à palper cette pierre, tu continues à découvrir. Et oui, il y a des pics qui, à force de les tâtonner, s’effacent et tu t’approches des profondeurs. Mais tu peux faire tout ça parce que tu as cette pierre dans la poche.

Tu t’y intéresses tous les jours quand tu mets les mains, tu la redécouvres. Et tu la re-palpes, tu t’y intéresses surtout parce qu’elle est dans ta poche, elle est là

Et si tu te mettais toi-même dans ta poche pour t’occuper de toi tous les jours un tout petit peu ? – à limer les piques qui font mal, à adoucir les angles ?
À être juste là, avec la pulpe de tes doigts, avec le temps.
Avec le temps, cette pierre-là commence à briller, sans jamais perdre complètement de ses aspérités et de son unicité.